Hippocrate (460 av JC – 377 av JC) est le plus célèbre des médecins occidentaux. Il est originaire de la cité de Kos, située sur l’île du même nom. La cité fait partie de la ligue de Délos, une alliance militaire réunissant autour d’Athènes, de nombreuses cités grecques.
Il a été célébré pour sa maîtrise de la médecine par ses contemporains et notamment Platon qui le cite dans Protagoras et Phèdre et Aristote qui le cite dans Politique. Sa renommée est déjà considérable.
On loue sa méthode logique et systématique ainsi que son exceptionnelle éthique de la médecine dont les principes ont été posés dans le serment qui porte son nom.
Les Principes de la Médecine Hippocratique
1/ Hippocrate est devenu, au fil des siècles et même des millénaires, le symbole de l’idéal médical.
On lui associe notamment le principe de “Primum non nocere” ou “d’abord ne pas nuire”.
Ce principe est tiré de son traité des Épidémies (I,5) qui date de 410 av JC environ.
Le texte précise que le médecin peut face aux maladies “faire du bien, ou au moins ne pas faire de mal».
Cette expression a été reprise par les auteurs latins qui l’ont transformé en “primum non nocere”.
2/ Hippocrate est considéré comme le père de la médecine occidentale.
Cela est d’abord lié au fait qu’il est le premier, en Grèce antique, à faire de la médecine l’affaire de la Cité et non plus de la famille.
Il a ainsi inventé la santé publique et fait de la médecine un sujet d’étude et de discussion pour tous.
Il est l’un des premiers, en occident, à rationaliser la médecine.
Ses réflexions s’inscrivent dans un mouvement plus général de réforme de la pensée grecque.
C’est l’époque des grands philosophes et mathématiciens grecs et de la démocratie athénienne.
3/ Ces idées se construisent à la fois contre et avec l’héritage mythologique antique.
Les philosophes respectent les rituels religieux de leur Cité respective mais leur conception du cosmos évolue sensiblement.
Ils estiment que le cosmos est régi par des principes naturels.
Ils croient en l’existence d’un ordre naturel, de l’importance de la symétrie et de l’équilibre entre les forces ou puissances de la nature.
La médecine hippocratique s’inscrit dans cette perspective.
Pour Hippocrate, il existe différentes humeurs qui doivent s’équilibrer entre elles.
La domination de l’une de ces humeurs peut déclencher la maladie.
Pour lui, la maladie n’est pas l’expression de la colère des dieux.
Elle est liée à un déséquilibre interne du corps entre ses différentes “humeurs” ou d’un déséquilibre entre le corps et son environnement.
Pour Hippocrate, “la nature est le médecin des maladies”
Pour lui, l’harmonie entre les organes et les fluides du corps est essentielle à la santé humaine.
4/ La pensée d’Hippocrate et de ses contemporains a été condensée par ses successeurs dans un ensemble de textes grecs traduits en latin que l’on appelle le “corpus Hippocratique”.
Il s’agit d’une soixantaine de livres dont une partie seulement aurait été rédigés par le fameux médecin.
On y retrouve notamment la théorie des humeurs selon laquelle le corps est composé de quatre éléments fondamentaux : l’air, le feu, l’eau et la terre.
Ces derniers sont associés à quatre qualité : chaud, froid, sec et humide.
Ces éléments sont antagoniques mais s’équilibrent au sein du corps humain quand tout va bien.
Tout déséquilibre provoque la maladie.
5/ L’alimentation est un des moyens par lesquels le médecin peut aider le patient à maintenir cet équilibre. On attribue à Hippocrate l’adage : “Que ton aliment soit ton médicament.”
Il s’agit d’une extrapolation car la notion de “médicament” n’existe pas dans l’antiquité.
Néanmoins, le fameux médecin estimait tout de même que l’alimentation était essentielle pour la santé.
Dans ses traités, il insiste sur :
- l’importance de la base végétale dans l’alimentation ;
- la bonne cuisson des aliments qui en facilite la digestion ;
- d’adapter l’alimentation aux tempérament des humeurs de chacun.
On est déjà sur une médecine intégrative et personnalisée !
- Le serment d’Hippocrate (originel)
- Le serment d’Hippocrate en France
- Le serment d’Hippocrate en Belgique
- La déclaration de Genève
Le serment d’Hippocrate (originel)
Je jure par Apollon médecin, par Asclépios, par Hygie et Panacée, par tous les dieux et toutes les déesses, les prenant à témoin, de remplir, selon ma capacité et mon jugement, ce serment et ce contrat; de considérer d’abord mon maître en cet art à l’égal de mes propres parents; de mettre à sa disposition des subsides et, s’il est dans le besoin, de lui transmettre une part de mes biens; de considérer sa descendance à l’égal de mes frères, et de leur enseigner cet art, s’ils désirent l’apprendre, sans salaire ni contrat; de transmettre, les préceptes, des leçons orales et le reste de l’enseignement à mes fils, à ceux de mon maître, et aux disciples liés par un contrat et un serment, suivant la loi médicale, mais à nul autre.
J’utiliserai le régime pour l’utilité des malades, suivant mon pouvoir et mon jugement; mais si c’est pour leur perte ou pour une injustice à leur égard, je jure d’y faire obstacle. Je ne remettrai à personne une drogue mortelle si on me la demande, ni ne prendrai l’initiative d’une telle suggestion. De même, je ne remettrai pas non plus à une femme un pessaire abortif. C’est dans la pureté et la piété que je passerai ma vie et exercerai mon art. Je n’inciserai pas non plus les malades atteints de lithiase, mais je laisserai cela aux hommes spécialistes de cette intervention. Dans toutes les maisons où je dois entrer, je pénétrerai pour l’utilité des malades, me tenant à l’écart de toute injustice volontaire, de tout acte corrupteur en général, et en particulier des relations amoureuses avec les femmes ou les hommes, libres ou esclaves. Tout ce que je verrai ou entendrai au cours du traitement, ou même en dehors du traitement, concernant la vie des gens, si cela ne doit jamais être répété au-dehors, je le tairai, considérant que de telles choses sont secrètes.
Eh bien donc, si j’exécute ce serment et ne l’enfreins pas, qu’il me soit donné de jouir de ma vie et de mon art, honoré de tous les hommes pour l’éternité. En revanche, si je le viole et que je me parjure, que ce soit le contraire.
Traduction
- Jouanna, Hippocrate, Paris, Librairie Arthème Fayard, 1992, annexe I.
(Portrait d’Hippocrate de Cos, Paris – Bibliothèque nationale, manuscrit grec 2144, f° 10 v°, XIVe siècle)
OPKOΣ
Ὄμνυμι Ἀπόλλωνα ἰητρὸν, καὶ Ἀσκληπιὸν, καὶ Ὑγείαν, καὶ Πανάκειαν, καὶ θεοὺς πάντας τε καὶ πάσας, ἵστορας ποιεύμενος, ἐπιτελέα ποιήσειν κατὰ δύναμιν καὶ κρίσιν ἐμὴν ὅρκον τόνδε καὶ ξυγγραφὴν τήνδε. Ἡγήσασθαι μὲν τὸν διδάξαντά με τὴν τέχνην ταύτην ἴσα γενέτῃσιν ἐμοῖσι, καὶ βίου κοινώσασθαι, καὶ χρεῶν χρηίζοντι μετάδοσιν ποιήσασθαι, καὶ γένος τὸ ἐξ ωὐτέου ἀδελφοῖς ἴσον ἐπικρινέειν ἄῤῥεσι, καὶ διδάξειν τὴν τέχνην ταύτην, ἢν χρηίζωσι μανθάνειν, ἄνευ μισθοῦ καὶ ξυγγραφῆς, παραγγελίης τε καὶ ἀκροήσιος καὶ τῆς λοιπῆς ἁπάσης μαθήσιος μετάδοσιν ποιήσασθαι υἱοῖσί τε ἐμοῖσι, καὶ τοῖσι τοῦ ἐμὲ διδάξαντος, καὶ μαθηταῖσι συγγεγραμμένοισί τε καὶ ὡρκισμένοις νόμῳ ἰητρικῷ, ἄλλῳ δὲ οὐδενί. Διαιτήμασί τε χρήσομαι ἐπ’ ὠφελείῃ καμνόντων κατὰ δύναμιν καὶ κρίσιν ἐμὴν, ἐπὶ δηλήσει δὲ καὶ ἀδικίῃ εἴρξειν. Οὐ δώσω δὲ οὐδὲ φάρμακον οὐδενὶ αἰτηθεὶς θανάσιμον, οὐδὲ ὑφηγήσομαι ξυμβουλίην τοιήνδε. Ὁμοίως δὲ οὐδὲ γυναικὶ πεσσὸν φθόριον δώσω. Ἁγνῶς δὲ καὶ ὁσίως διατηρήσω βίον τὸν ἐμὸν καὶ τέχνην τὴν ἐμήν. Οὐ τεμέω δὲ οὐδὲ μὴν λιθιῶντας, ἐκχωρήσω δὲ ἐργάτῃσιν ἀνδράσι πρήξιος τῆσδε. Ἐς οἰκίας δὲ ὁκόσας ἂν ἐσίω, ἐσελεύσομαι ἐπ’ ὠφελείῃ καμνόντων, ἐκτὸς ἐὼν πάσης ἀδικίης ἑκουσίης καὶ φθορίης, τῆς τε ἄλλης καὶ ἀφροδισίων ἔργων ἐπί τε γυναικείων σωμάτων καὶ ἀνδρῴων, ἐλευθέρων τε καὶ δούλων. Ἃ δ’ ἂν ἐν θεραπείῃ ἢ ἴδω, ἢ ἀκούσω, ἢ καὶ ἄνευ θεραπηίης κατὰ βίον ἀνθρώπων, ἃ μὴ χρή ποτε ἐκλαλέεσθαι ἔξω, σιγήσομαι, ἄῤῥητα ἡγεύμενος εἶναι τὰ τοιαῦτα. Ὅρκον μὲν οὖν μοι τόνδε ἐπιτελέα ποιέοντι, καὶ μὴ ξυγχέοντι, εἴη ἐπαύρασθαι καὶ βίου καὶ τέχνης δοξαζομένῳ παρὰ πᾶσιν ἀνθρώποις ἐς τὸν αἰεὶ χρόνον. παραβαίνοντι δὲ καὶ ἐπιορκοῦντι, τἀναντία τουτέων.
Le serment d’Hippocrate en France
Voici le texte revu par l’Ordre des médecins en 2012.
“Au moment d’être admis(e) à exercer la médecine, je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité.
Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux.
Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l’humanité.
J’informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences.
Je ne tromperai jamais leur confiance et n’exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences.
Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me les demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire.
Admis(e) dans l’intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés. Reçu(e) à l’intérieur des maisons, je respecterai les secrets des foyers et ma conduite ne servira pas à corrompre les mœurs.
Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément.
Je préserverai l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de ma mission. Je n’entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je les entretiendrai et les perfectionnerai pour assurer au mieux les services qui me seront demandés.
J’apporterai mon aide à mes confrères ainsi qu’à leurs familles dans l’adversité.
Que les hommes et mes confrères m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses ; que je sois déshonoré(e) et méprisé(e) si j’y manque.”
Le serment d’Hippocrate en Belgique
Le Conseil national de l’Ordre des médecins a actualisé son Serment des médecins (originalement le Serment d’Hippocrate) à la lumière de la Déclaration de Genève revue et adoptée par l’Association Médicale Mondiale (AMM) dès 2017.
Au moment où je deviens membre de la profession médicale,
Je prends l’engagement solennel d’œuvrer toujours de mon mieux pour une médecine de qualité, au service des personnes et de la société.
Je considérerai la santé et le bien-être de mon patient comme la priorité.
J’informerai correctement les personnes qui font appel à mes soins.
Je respecterai l’autonomie et la dignité de mon patient.
Je veillerai au plus grand respect de la vie humaine.
Je ne permettrai pas que des considérations d’âge, de maladie ou de handicap, des convictions philosophiques, des considérations d’origine ethnique, de genre, de nationalité, d’affiliation politique, de race, d’orientation sexuelle, de statut social ou tout autre facteur s’interposent entre mon devoir et mon patient.
Je respecterai les secrets qui me seront confiés, même après la mort de mon patient.
J’exercerai ma profession avec conscience et dignité, dans le respect des bonnes pratiques médicales.
Je témoignerai à mes professeurs, à mes collègues et à mes étudiants le respect et la reconnaissance qui leur sont dus.
J’actualiserai et partagerai mes connaissances médicales au bénéfice du patient, ne dépasserai pas les limites de mes compétences et contribuerai autant que possible aux progrès de la médecine.
J’utiliserai de manière responsable les moyens que la société met à disposition et j’œuvrerai pour des soins de santé accessibles à tous.
Je veillerai à ma propre santé, à mon bien-être et au maintien de ma formation afin de prodiguer des soins irréprochables.
Je n’utiliserai pas mes connaissances médicales pour enfreindre les droits humains et les libertés civiques, même sous la contrainte.
Je fais ces promesses sur mon honneur, librement et solennellement.
La déclaration de Genève
La déclaration de Genève également intitulée Serment du médecin, figure en annexe du code de déontologie médicale. Cette déclaration a été adoptée par l’assemblée générale de l’Association médicale mondiale en 1948, elle a fait l’objet de plusieurs révisions, la dernière date d’octobre 2017.
EN QUALITÉ DE MEMBRE DE LA PROFESSION MÉDICALE
JE PRENDS L’ENGAGEMENT SOLENNEL de consacrer ma vie au service de l’humanité ;
JE CONSIDÉRERAI la santé et le bien-être de mon patient comme ma priorité ;
JE RESPECTERAI l’autonomie et la dignité de mon patient ;
JE VEILLERAI au respect absolu de la vie humaine ;
JE NE PERMETTRAI PAS que des considérations d’âge, de maladie ou d’infirmité, de croyance, d’origine ethnique, de genre, de nationalité, d’affiliation politique, de race, d’orientation sexuelle, de statut social ou tout autre facteur s’interposent entre mon devoir et mon patient ;
JE RESPECTERAI les secrets qui me seront confiés, même après la mort de mon patient ;
J’EXERCERAI ma profession avec conscience et dignité, dans le respect des bonnes pratiques médicales ;
JE PERPÉTUERAI l’honneur et les nobles traditions de la profession médicale ;
JE TÉMOIGNERAI à mes professeurs, à mes collègues et à mes étudiants le respect et la reconnaissance qui leur sont dus ;
JE PARTAGERAI mes connaissances médicales au bénéfice du patient et pour les progrès des soins de santé ;
JE VEILLERAI à ma propre santé, à mon bien-être et au maintien de ma formation afin de prodiguer des soins irréprochables ;
JE N’UTILISERAI PAS mes connaissances médicales pour enfreindre les droits humains et les libertés civiques, même sous la contrainte ;
JE FAIS CES PROMESSES sur mon honneur, solennellement, librement.
D’autres textes fondateurs de l’éthique médicale
En 2011, le Conseil européen des Ordre des médecins a adopté la charte d’éthique médicale européenne qui met à jour les Principes d’éthique médicale européenne, en distinguant ce qui relève de l’éthique de ce qui constitue la déontologie.
Des recommandations déontologiques ont également été rédigées.
De son côté, l’Association Médicale Mondiale (AMM) a élaboré la Déclaration d’Helsinki comme un énoncé de principes éthiques applicables à la recherche médicale impliquant des êtres humains, y compris la recherche sur du matériel biologique humain et sur des données identifiables. Initialement adoptée en 1964 à Helsinki (Finlande), cette déclaration a été mise à jour en 2013.
En France, le comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé est chargé de donner des avis sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé.
Dans de nombreux hôpitaux, des espaces éthiques contribuent à faire vivre la réflexion sur les principes fondamentaux de l’éthique médicale et à interroger son évolution au regard des nouvelles pratiques médicales et des innovations technologiques. Voir notamment le site de l’espace éthique de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris.